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Le Duel (3/3) Fin de partie - Jake Vecchiet
Résumé :
Il reste moins de quarante-huit heures à l’Astonien pour trouver un moyen de contrer l’offensive de l’Institution qui menace de débarquer sur Terre. La guerre ouverte fait rage dès lors qu’Orélia fait exploser la maison de Wesley depuis son vaisseau dôme. En plus de ses ennemis, le jeune homme va devoir résister à de violents spasmes qui mettent sa vie en danger et dont l’origine demeure inconnue. Dans un même temps, un troisième joueur fait son entrée dans la partie et risque bien de bouleverser l’ordre des choses. Le secret caché de Jork est peut-être la dernière chance pour la Terre. Mais en reste-t-il une pour Wesley et Orélia ? Toutes les réponses à vos questions sont rendues dans ce tome qui conclut la trilogie « Le Duel », et où l’action et le suspens sont omniprésents !
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Extrait :
01
Tout ce temps pour finalement trouver que l’objet le plus puissant de cette misérable planète était caché dans un trou perdu, pensa la Darkane.
Elle regarda autour d’elle. Elle se trouvait à la bordure d’un petit village de l’est de la France. D’un côté, les maisons semblaient dater du siècle dernier alors que de l’autre s’étendait une épaisse forêt de conifères.
Le jeune homme brun parcourut les cheveux blonds de sa compagne avec sa main. Il l’embrassa fougueusement, sans faire preuve de la moindre tendresse.
Quel abruti, se dit Orélia, il faut vraiment que je prenne sur moi. Encore quelques minutes et puis…
- J’en ai envie, j’en ai envie maintenant ! insista l’humain.
Ouais, ça j’avais compris, se dit-elle.
Il se faisait plus pressant, caressant la poitrine de la Darkane et passant la main sur ses fesses. Elle le repoussa fermement.
- Tu sais où j’ai envie de le faire ? On m’a parlé d’un endroit mystique pas loin avec trois pierres érigées dans le sol. C’est excitant je trouve…
Elle balaya ses lèvres avec sa langue pour plus d’emphase.
Il la scanna de haut en bas avec un sourire vicieux. Sa boucle d’oreille accentuait l’effet mauvais garçon qui émanait du vieux pantalon troué, du t-shirt noir à tête de mort et des cheveux gras en bataille.
- Tu veux faire des cochonneries sous le dolmen ?
En plus il est romantique, pensa Orélia.
Il la ramena à sa voiture, s’installa au volant et frissonna.
- Quel région de merde ! maudit-il en augmentant le chauffage
Le froid ne dérangeait pas la Darkane, contrairement à son compagnon, aucun nuage de vapeur ne se formait lorsqu’elle expirait.
La libido du garçon prit le pas sur sa prudence et il roula à grande vitesse hors du village, malgré le brouillard. Il s’enfonça sans considération sur une petite route boueuse dans la forêt.
Il s’empressa de sortir de la voiture, et la prit par le bras. Elle attrapa son sac avant de sortir.
- Tu n’a pas besoin de sac pour ce que l’on va faire, assura-t-il en attrapant l’anse.
Elle l’arrêta et avec un rire qui sonnait faux proclama :
- Si tu touches ce sac, je te tue sans attendre.
Il rit de bon cœur à ce qu’il venait de prendre à tort pour une plaisanterie et ils s’aventurèrent dans la forêt. Bientôt la végétation se fit moins dense et ils arrivèrent au pied d’une colline à pente douce.
Au sommet, se dressaient trois menhirs de presque deux mètres de hauteur. Ils étaient espacés de la même longueur et formaient maladroitement un cercle.
- Voilà le dolmen, annonça-t-il.
Elle roula des yeux et retint son commentaire :
On ne t’a jamais appris qu’un dolmen était refermé sur le dessus ? Un vrai génie, celui-là.
Un sourire méchant se dessina sur le visage de la Darkane. Seuls des champs et la forêt composaient l’horizon : ils ne seraient pas dérangés, il n’y avait aucune habitation à des kilomètres.
Rien d’autre que l’amplificateur. L’arme la plus puissante.
De près, on pouvait distinguer un symbole sur chacun des menhirs. L’un portait le symbole Darkan : les trois serpents enchevêtrés. Le second était orné du soleil Astonien. Enfin le dernier possédait un symbole que l’élue de l’Institution attendait de contempler depuis son retour d’Italie, six mois auparavant : le symbole de la Terre.
Il était composé d’un triangle équilatéral pointant vers le bas. Toutes les hauteurs étaient tracées et se recoupaient en un seul point. Enfin, le triangle était inséré dans un cercle parfait.
Elle plaqua l’humain contre le pilier de la Terre. Un sourire béat s’inscrivit sur son visage.
- Tu es une petite sauvage !
- Tu ne crois pas si bien dire, chuchota-t-elle. Merci pour ton aide, tu as été très utile.
Elle garda sa main gauche sur le torse du garçon et tendit l’autre. De la fumée noire s’échappa de sa paume pour former un poignard dont la lame recourbée brillait sous la lune, malgré le brouillard. Une lueur de terreur passa dans le regard de l’humain.
Il tenta de se libérer de la prise de la Darkane, mais sa force hors norme l’en empêcha. Elle partit d’un rire bruyant lorsque la lame s’enfonça dans l’abdomen du garçon.
Du sang éclaboussa le visage d’Orélia.
Elle retira le poignard du corps de sa victime et écarta d’un bras le cadavre qui tomba sur le sol avec un bruit sourd. Elle contempla la lame maculée du sang humain et la frotta contre le pilier de la Terre.
Comme possédé, le sang glissa jusqu’au symbole incrusté dans la pierre, épousant tous les contours de la gravure. Il se mit alors à briller d’une lueur douce.
Elle plongea son autre main dans la poche et en ressortit un flacon de sang.
- Merci pour ton cadeau, tu es si généreux Wes, ricana-t-elle.
Elle l’envoya s’écraser contre la pierre Astonienne. Le même phénomène se produisit avec ce symbole.
Enfin, elle s’approcha du pilier de son propre peuple. En un regard, la lame du poignard fut nettoyée du sang qui la tachait. Elle le passa délicatement sur sa paume, et pressa l’entaille contre le symbole qui se mit également à luire.
L’éclat de la lumière augmenta.
Orélia se plaça au centre des trois pierres et sortit de son sac le précieux cristal avec précaution.
Des éclairs commencèrent à sauter d’un pilier à l’autre, pour former enfin un triangle parfait. Alors que l’électricité gagnait en intensité, des nuages noirs apparurent de nulle part et gagnèrent le ciel, plongeant la forêt et les alentours dans une obscurité démoniaque.
Le cristal se mit à dégager de la chaleur et à pulser en rythme. Le flux d’éclairs jaillit des pierres pour se rejoindre au centre, fusionnant avec Orélia et le cristal. Une colonne d’énergie prit naissance au cœur de l’amplificateur et fusa à travers le ciel et les nuages pour gagner l’espace.
On pouvait voir comme en plein jour, mais cela n’avait plus d’importance.
Bientôt, une masse de plusieurs centaines de mètres quitta doucement son orbite pour se placer dans la trajectoire du faisceau.
Lorsque le vaisseau fut en alignement avec l’amplificateur, la Darkane se mit à sourire et murmura pour elle-même :
- Echec et mat.
Elle disparut dans le faisceau. Et l’amplificateur sembla perdre vie. Les nuages se dissipèrent et le vaisseau spatial reprit de l’altitude.
Orélia parcourut les couloirs sombres de son vaisseau encore inactif. Elle ouvrit une porte et se retrouva face au générateur. Elle installa le cristal sur son socle et il se mit à rayonner de sa lumière noire habituelle.
Lorsqu’elle se retourna, elle put constater que les néons s’allumaient, que les machines se mettaient en marche, et que les propulseurs accéléraient : le vaisseau reprenait vie.
Tant d’années en orbite et pourtant intact, réalisa la Darkane.
Elle gagna la salle de contrôle. Un panneau métallique s’ouvrit et elle put contempler la petite planète bleue à travers les vitres. Le centre de tous les conflits, l’objet de toutes les convoitises : le peuple qui ferait basculer la guerre d’un côté ou de l’autre.
Elle commença à pianoter sur une console et l’écran s’alluma.
- Transmission avec le monde Darkan ouverte, annonça la voix automatique de l’ordinateur.
Un visage s’afficha à l’écran. Un homme d’une cinquantaine d’années à première vue. Il était chauve et son crâne était orné d’un tatouage Darkan. Orélia l’avait déjà vu une fois, en rêve, près de deux ans auparavant, lorsqu’elle avait eu un aperçu dramatique d’un futur probable.
Alors c’est réel, se dit-elle. Tout se qui se passe lorsque je suis plongée dans ce monde étrange avec la version altérée de Wesley. D’une certaine façon, je vois vraiment le futur.
Elle se mordit la lèvre : dans cette vision précise, l’Astonien la tuait…
- J’ai pris le contrôle de l’amplificateur, et du vaisseau Darkan, annonça Orélia en guise de rapport.
- Je suis fier de toi ma fille, annonça le Darkan.
Un frisson parcourut l’échine de la jeune femme.
« Ma fille » ?
02
Un mois plus tard.
Wesley entra dans sa chambre du dortoir. Toujours sur ses gardes, il scruta la pièce baignée d’obscurité. Sans appuyer sur l’interrupteur, il pouvait distinguer parfaitement son lit à une place, dans un angle, accoté à une petite table de nuit simplement ornée d’un réveil digital et d’une photo encadrée de ses parents et lui. Il y voyait très bien, et ce malgré l’obscurité de la nuit extérieure. Dans l’angle opposé se trouvait son bureau, où il était censé réviser ses cours journaliers.
Présenté comme ça, on perd de vue que la chambre ne fait que neuf mètres carrés…
Il alluma finalement, s’assit sur la simple chaise en bois devant le bureau et posa son sac à dos sur ses genoux. Avec un soupir, il parcourut du regard l’extérieur à travers la seule fenêtre de sa pièce. Sa chambre se trouvait au rez-de-chaussée, et sa vue était surtout composée de grands arbres. Ses pupilles s’ajustèrent au-delà de la normale et il put apercevoir ce qu’il cherchait.
Toujours là… Mais me sous-estimer à ce point, c’est presque offensant.
Il sortit de sa poche l’holographe et appuya dessus. Désormais, quiconque épierait sa chambre de l’extérieur le verrait travailler inlassablement ses cours de médecine sur son bureau.
L’Astonien se relaxa légèrement et prit son portable pour appeler ses parents. Ils décrochèrent dès la seconde sonnerie. Depuis qu’il avait quitté la maison familiale, sa mère – principalement – était particulièrement anxieuse de le savoir loin d’eux. « Seul au milieu de jeunes compétitifs, dans une grande ville où les tueurs devaient pulluler ».
Difficile de lui faire comprendre que ce ne sont pas vraiment les tueurs « conventionnels » de cette bonne vieille planète Terre qui m’effraient…
Bien qu’il se le cachât, Wesley était plus effrayé pour ses parents que l’inverse. Si Orélia se décidait, ils étaient une cible de choix contre son ennemi. Et une cible facile de surcroît, maintenant qu’ils ne se trouvaient plus sous la protection directe de leur fils.
- Mon chéri, tu vas bien ? demanda Loïs.
L’inquiétude dans sa voix était palpable. On pouvait réellement la qualifier de mère poule.
- Oui maman, tout va très bien. Et papa et toi, ça va ?
- Qu’est-ce que tu as mangé aujourd’hui ? questionna-t-elle sans même prêter attention à l’interrogation de Wesley.
Un petit sourire naquit sur le visage du jeune homme.
- Au restaurant universitaire maman, comme tous les jours. Tu sais, des repas aussi équilibrés que les tiens, mais avec le quart du goût.
Un peu de flatterie ne peut pas faire de mal.
Il continua de rassurer sa mère un petit moment puis parla plus sérieusement à son père, qui lui, semblait beaucoup plus axé sur son travail. Combien d’heures de travail ? Quelle quantité ? Avait-il toujours confiance ?
Le principe du concours n’était pas pour diminuer la pression qui pesait sur les épaules de l’Astonien. Mais le choix avait été fait sept mois plus tôt, le jour où il avait retrouvé son professeur de biologie – et mentor dans son combat contre Orélia – gisant mort au milieu de son propre sang.
Wesley raccrocha. Mais contrairement à ce qu’il avait promis à son père, il ne se mit pas à réviser ses cours. En fait, il n’avait pas révisé un seul cours depuis le début de l’année. Maintenant, son niveau de capacités lui permettait d’enregistrer mentalement chaque cours par leur simple écoute lors de la présentation par le professeur.
Tout son temps libre était entièrement consacré à son entraînement.
Il se leva et contempla sa main, au bout d’une seconde, ses doigts prirent une teinte argentée, presque liquide. Cet aspect se répandit le long de son bras puis sur tout son corps, et progressivement, il disparut. Invisible. La lumière glissait sur lui sans plus pouvoir s’y accrocher.
Il ouvrit la porte et se faufila dans le couloir. Il le parcourut – évitant au passage chacun des élèves qui croisait sa route – et sortit de l’immeuble.
Il tenta au mieux de masquer son odeur psychique. Il ne pouvait pas la faire disparaître, Salatar avant de mourir avait affirmé qu’il était impossible de l’effacer. Par contre, il avait appris à la faire disparaître « aux yeux » des gens autour de lui lorsqu’il les approchait. Wesley agissait alors sur leur mental, sans pour autant prendre totalement contrôle de leur cerveau. Il avait atteint un tel niveau que cette technique s’était révélée efficace sur tous les laquais d’Orélia, mais il doutait fortement de la même efficacité contre sa plus grande rivale…
L’élu de l’Alliance s’éloigna du bâtiment universitaire pour prendre à revers ses ennemis. Wesley les surprit cachés derrière les buissons. Deux Dastiques.
La chair à canon d’Orélia…
Ils étaient là tous les jours, le suivant à la trace, essayant au maximum de brider ses pouvoirs pendant la nuit pour l’empêcher d’anticiper en rêves les actions de la Darkane.
Ils ne quittaient pas la chambre du jeune homme des yeux. Un char aurait pu passer derrière eux sans les alerter. En revanche, l’odeur mentale de l’Astonien le pouvait… Il força légèrement sa concentration pour leur faire oublier cette odeur caractéristique.
Il s’approcha sans bruit des deux compères, et lorsque l’espace entre les trois fut suffisamment restreint, il posa sur chacun une main derrière la tête et prit sans problème le contrôle de leurs esprits.
Les deux mercenaires n’auraient aucun souvenir du passage de l’Astonien dans leur cerveau, il ferait attention de ne laisser aucune trace et les « convaincrait » qu’ils n’avaient pas vu le temps passer.
Wesley commença par plonger dans leurs souvenirs. Cherchant la moindre information concernant Orélia, car il devait la trouver, et la détruire.
Elle avait trouvé l’amplificateur, de cette information, il eut la confirmation par les deux. Mais elle avait dû anticiper l’action du jeune homme car lorsqu’elle les avait rencontrés la dernière fois pour leur délivrer leurs consignes, elle l’avait fait dans une ruelle sordide, sans leur mentionner la localisation de l’arme ou de ses intentions futures.
L’Astonien tenta de percer au-delà, sans trop se préoccuper des séquelles sur les cerveaux des Dastiques. Mais Orélia n’avait effacé aucune information de leur mémoire, sans quoi un résidu aurait perduré, que Wesley aurait pu trouver – comme sur un disque dur que l’on tente de remettre à neuf.
Elle était bien trop intelligente pour faire confiance à ces deux là.
Et bien trop « intelligente » pour faire confiance à qui que ce soit…
Cependant, quelque chose se tramait. Sans pour autant connaître la nature de l’action, les laquais de la Darkane savaient que quelque chose de gros se préparait. L’attaque finale était proche, et Wesley en serait la cible.
Le jeune homme se sentait à la fois anxieux et rassuré. Ses parents ne semblaient pas impliqués, et il était content d’apprendre que la fin arrivait – d’une façon ou d’une autre. Par contre, une partie de lui ne pouvait s’empêcher de craindre le massacre à venir…
Je serai prêt… Quoi qu’il advienne. De toute façon je suis prêt depuis des mois.
Persuadé qu’il ne pourrait plus rien extirper des deux larbins, il relâcha son emprise et s’enfuit comme il était venu. Il les contempla quelques minutes pour être sûr de ne pas avoir révélé sa présence au cours du processus et quitta l’enceinte de l’établissement.
Il se rendit au stade le plus proche. Il avait l’habitude de le fréquenter depuis le début de l’année scolaire. Une équipe de rugby poursuivait son entraînement. Avec une pointe de culpabilité, comme tous les soirs, il intima par la pensée à tous les joueurs de quitter le terrain. Ils resteraient tous dans les vestiaires jusqu’à l’heure à laquelle l’entraînement aurait dû prendre fin.
Il plaignait les équipes qui venaient s’entraîner sur ce terrain, car aucune d’entre elle n’avait pu réellement le faire depuis des mois. Mais l’enjeu était trop important pour être contre balancé par quelques kilogrammes en trop et probablement un niveau en sport qui diminue.
Ils étaient tous humains, Wesley avait pu les faire obéir à des dizaines de mètres de distance. Il craignait beaucoup ce qu’Orélia pouvait faire par pure vengeance et méchanceté aux Terriens qui croisaient sa route…
L’Astonien marcha jusqu’au centre du terrain, puis il sortit de sa poche un holographe, de la taille d’un gros galet. Après la mort de Salatar, il avait fouillé sa maison dans le but de trouver tout ce qui pouvait l’aider dans sa quête. Il était notamment tombé sur la version platinum de son propre holographe.
Lorsqu’il le mit en marche, une bulle de couleur bleue s’échappa de l’objet extraterrestre pour englober pleinement le terrain. Les passants ne verraient plus que l’équipe jouer normalement au rugby…
- Et c’est parti… marmonna Wesley.
Il redevint visible et contracta le poing. Le symbole d’Aston se mit à briller sur la face externe de sa paume et il laissa son énergie se déverser librement.
La prise de contrôle des Dastiques et l’invisibilité avaient été un échauffement maigre mais suffisant. Un cercle de sa force éloignait les grains de sable et faisait vibrer l’herbe autour de lui. Il se concentra au maximum et ses pieds commencèrent à quitter la terre ferme. Il lévita quelques instants à vingt centimètres du sol, puis une grimace s’inscrivit sur son visage et il retomba sur le terrain.
A vouloir commencer par le plus dur, il était voué à l’échec…
C’est pas grave, on va passer à la suite…se dit-il finalement, sa volonté restée innébranlée.
03
Le troisième cours de l’après midi venait de s’achever. Wesley leva les yeux vers l’horloge… Cinq petites minutes le séparaient du prochain enseignement assommant.
- Non, mais franchement, t’as vu, c’est pas la peine de venir si tu veux pas tenter le concours ! marmonnait une voix de fille, quelques rangs derrière lui.
L’Astonien avait tant développé ses cinq sens que pratiquement rien ne lui échappait plus… Dans tout l’amphithéâtre, bien peu de choses pouvaient se produire sans qu’il en soit immédiatement au courant.
Et le fait qu’il assiste aux cours sans prendre de notes faisait jaser. Il devait supporter tous les jours ce genre de petites remarques intelligentes…
Seulement, voilà, j’en ai pas besoin…
Si cette guerre prenait un jour fin – et une fin heureuse si possible – le jeune homme pourrait devenir un médecin hors pair, simplement grâce à sa maîtrise de la « guérison spontanée » qu’il arrivait maintenant à prodiguer à des tiers.
Il en avait effectivement fait l’expérience lorsqu’il rentrait chez lui un week-end. Il avait assisté à un accident de la route et était allé prêter main forte aux passagers de la voiture renversée. Quand il s’était aperçu que le conducteur avait perdu connaissance, il s’était servi de ses pouvoirs pour le désincarcérer et avait posé sa main sur son torse, progressivement, les lésions de la personne s’étaient résorbées…
Il était très difficile de se reposer à l’intercours, car la majorité des cinq cents élèves contenus dans le cube qui leur servait de classe en profitait pour se détendre en discutant de sujets anodins. De plus, l’apparence bondée de la pièce était accentuée par le mobilier vétuste : des bancs en bois servaient de fauteuils, et les tables ressemblaient à de simples planches de bois clouées sur toute la longueur de la rangée.
La lumière du jour pénétrait par les grandes baies vitrées sur la gauche de Wesley. L’amphithéâtre était composé de deux rangées latérales de sièges et d’une bien plus large, au centre. Le jeune homme avait pris l’habitude de s’installer sur l’extrémité gauche de la rangée centrale, de sorte d’être suffisamment près des escaliers qui conduisaient à la sortie, tout en haut des gradins.
Les élèves avaient pratiquement tous regagné leur place lorsque le professeur de biologie cellulaire émergea de la porte du personnel, tout en bas de la pièce, sous le grand tableau. Il se saisit du microphone et tapota deux fois sur le dessus afin d’imposer le silence à ses élèves. Enfin il commença son cours.
L’Astonien suivait attentivement les paroles de l’enseignant pour mieux les assimiler quand un sentiment étrange le saisit. Un frisson lui parcourut l’échine, une impression de déjà-vu.
Par réflexe, il jeta un coup d’œil vers l’extérieur. Une ombre passa. Comme si un nuage avait traversé le ciel bleu très précipitamment… Seulement il n’y avait pas un souffle de vent à l’extérieur.
La sensation se fit plus imposante et le jeune homme n’eut plus aucun doute sur l’origine de son appréhension.
Pas ici, pas avec autant de monde autour.
Il réitéra l’expérience de la veille et devint invisible.
- Qu’est-ce que… ? commencèrent des voix derrière lui.
Mais Wesley prit les devants et fit oublier au reste de ses camarades son petit tour de passe-passe.
En bas de l’amphithéâtre, près du professeur, la poignée de la porte pivota, et elle s’ouvrit doucement. L’enseignant s’interrompit.
- Vous vous êtes perdue mademoiselle ? questionna-t-il.
Une ombre se détacha de l’encadrement de la porte pour s’avancer doucement dans l’immense pièce.
Orélia. Ses longs cheveux blonds et relâchés ondulaient sur ses épaules. Elle portait un pantalon de cuir noir et un petit débardeur blanc qui laissait entrevoir son nombril.
Ca me rappelle la vision apocalyptique que j’ai eue d’elle quand j’ai failli me noyer, il y a deux ans…
Elle balaya les rangées du regard et se mit à sourire méchamment.
- Non, je suis parfaitement au bon endroit, assura-t-elle.
Les murmures dans la salle gagnaient en intensité, car bien que la situation parût comique de prime abord, un sentiment très inconfortable s’installait. On aurait dit que le froid était entré avec la Darkane.
Wesley, toujours invisible, remarqua par-dessus son épaule qu’une demi-douzaine d’ennemis barrait la seule autre issue. La Darkane ne tentait même pas de dissimuler son odeur, car la vanille était bientôt venue chatouiller le nez du jeune homme. Lui, par contre, faisait tout pour cacher sa propre odeur psychique.
- Mademoiselle, le cours a commencé, alors je vous prierais de sortir, intima le professeur au micro.
Les élèves parlaient désormais entre eux à voix haute.
- La ferme ! cria Orélia avec une voix peu humaine.
Les bouches des étudiants continuaient de s’agiter, mais aucun son n’en sortait plus. Puis elle claqua des doigts, et l’enseignant de biologie cellulaire s’effondra sur le sol, mort.
- Wesley, je sais que tu es là. Rends-toi immédiatement, où je tue ces dégénérés, un par un, menaça-t-elle.
Des regards terrorisés passaient d’un jeune à l’autre, sans que le moindre mot ne fût échangé.
La Darkane laissa passer cinq secondes et reprit :
- Très bien, je l’admets : je ne serai jamais assez patiente pour les tuer un par un !
Sur ce, elle lança son bras en avant, et un flot d’éclairs jaillit vers les gradins.
L’Astonien réagit immédiatement : il laissa tomber sa couverture invisible et les arcs électriques vinrent s’écraser dans l’air, à quelques centimètres de la paume de sa main gauche. Orélia sourit de toutes ses dents tout en maintenant le flux d’énergie oscillant entre elle et son némésis.
- Ca faisait longtemps, fit-elle.
Pas assez… Mais ce n’est pas la peine de la lancer sur le sujet, sans quoi elle ne s’arrêtera jamais de parler, menacer, insulter etc…
- Toujours convaincu que tu peux tous les sauver ? continua-t-elle.
Ben tiens, elle n’a même plus besoin que je lui réponde pour faire la conversation !
Elle arrêta son attaque. Avec un bref coup d’œil, Wesley eut la confirmation que les gorilles de son ennemie ne bougeraient pas sans un ordre expressif de leur chef.
Avec une impulsion de la main, Orélia envoya une nouvelle rasade d’électricité vers les monstrueuses lampes, au plafond. L’Astonien, qui avait anticipé son attaque envoya une impulsion vers elle qui la projeta contre le grand tableau noir. Elle retomba avec un bruit sourd sur le sol.
Mais le jeune homme n’eut pas le temps de reprendre son souffle, il fit un bond de plusieurs mètres pour retomber debout sur une table, quelques rangs en avant. Les ampoules au-dessus de lui explosèrent sous l’attaque d’Orélia, et plusieurs lampes de dizaines de kilogrammes se décrochèrent pour tomber sur les élèves.
Wesley les rattrapa par la pensée, les maintenant en lévitation.
- Bougez ! ordonna-t-il aux filles paniquées qui s’étaient figées sous la chute d’objets.
Trop tard, la Darkane s’était relevée, et profitant de la faiblesse de son adversaire, elle précipita l’Astonien contre les baies vitrées à pleine vitesse. Le verre éclata et Wesley passa à travers pour retomber un étage plus bas sur le sol. Il ne put plus maintenir son contrôle et les lampes chutèrent, écrasant les élèves surpris.
- C’était plus rapide que j’imaginais, assura l’élue de l’Institution, à vous maintenant.
Elle se tourna vers la foule. Les étudiants avaient essayé de remonter vers la sortie, mais ils avaient été rabattus par les sbires d’Orélia.
Avec son sourire mauvais habituel, ses avant-bras s’enflammèrent et elle se rapprocha des premiers bureaux.
A l’extérieur, Wesley était tombé sur le dos dans le gazon, inconscient. Plusieurs éclats de verre l’avaient poignardé lors de son passage à travers la vitre, et certains étaient restés figés dans son corps.
Ses yeux s’ouvrirent d’un coup. Il se releva et arracha les copeaux de verre ensanglantés de son flanc et de son épaule. Ses blessures se refermèrent.
En un bond, il se percha en équilibre là où la vitre était érigée quelques instants plus tôt.
- C’est pas tout à fait terminé, annonça-t-il avec une vue plongeante sur l’amphithéâtre.
Sur le sol, le verre brisé prit vie et se mit à tournoyer autour du jeune homme.
Un feu avait démarré dans les rangs les plus avancés de la classe. En un revers de la main, l’Astonien y mit fin et la fumée se dissipa. Il fut réconforté par le coup d’œil appuyé qu’Orélia lança à ses hommes de mains.
Si elle demande de l’aide, c’est qu’elle n’est pas confiante… Bien sûr cela signifie aussi plusieurs adversaires.
- Si tu ne te rends pas, je leur ordonne de tuer ces humains, menaça-t-elle.
C’est le sort que tu leur réserves de toute façon.
Après la mort de Salatar, le jeune homme avait réalisé qu’il ne pourrait sauver tout le monde. Mais le plus tôt il mettait fin aux agissements de son némésis, le plus tôt les gens seraient tranquilles.
Il sauta tel un maître d’arts martiaux sur les bureaux et projeta sur la Darkane les lampes qu’elle avait écrasées sur la foule. Les sbires de l’Institution tentèrent de l’attaquer, mais il avait érigé un champ de protection autour de lui.
Pendant qu’Orélia évitait les projectiles, Wesley en profita pour dévisser le tableau qui tomba au dessus de la tête de la jeune femme. Elle s’en rendit compte au dernier moment et un mur invisible la protégea de la planche de plusieurs mètres carrés qui s’écrasa autour d’elle.
L’Astonien saisit enfin le moment pour lancer sur elle les morceaux de verre, coupants comme des rasoirs. Prise entre les lampes, et le tableau, elle n’eut pas le temps de réagir et fut poignardée de toutes parts et littéralement plantée contre le mur.
Mais le jeune homme fut incapable de s’assurer de sa victoire : un Dastique se jeta sur lui, armé d’un poignard. L’extraterrestre se mouvait avec aisance lui aussi. Il tenta d’asséner plusieurs coups mortels à l’Astonien, mais ce dernier était bien trop agile, et, avec un effort de concentration, il intima au poignard du Dastique d’aller s’enfoncer dans le cœur de son propriétaire.
Des cris l’alertèrent : maintenant qu’Orélia avait été neutralisée, le chaos s’entendait de nouveau dans l’amphithéâtre. Les membres de l’Institution avaient pris les paroles de la Darkane pour argent comptant, et s’étaient mis à tuer les élèves au hasard.
Plutôt que de sauter vers ses assaillants et lancer sur eux des attaques à profusion, Wesley ferma les yeux et capta chacun de leur esprit au milieu de ceux des humains. Et il tenta de prendre le contrôle de leur mental. Il n’y avait aucun contact physique entre l’Astonien et ses ennemis, et ils étaient plus nombreux que lui, mais chacun d’entre eux dut stopper son massacre pour rejeter l’intrusion du jeune homme dans son crâne.
Un à un, ils perdirent le combat psychique qui s’était joué avec Wesley et tombèrent, morts. Il rouvrit les yeux et expulsa les portes de l’amphithéâtre hors de leurs gonds, d’un simple regard. Sans l’ombre d’un remerciement, les étudiants se précipitèrent vers la sortie.
L’élu de l’Alliance allait se retourner vers Orélia quand la salle fut plongée dans l’obscurité. Aucune lumière artificielle n’existait plus après l’attaque de la Darkane, et quelque chose empêchait la lumière naturelle du soleil de pénétrer à travers le trou béant qu’était jadis la baie vitrée. Le jeune homme se tourna vers l’extérieur et garda la bouche ouverte de surprise.
Un vaisseau de la taille d’une grosse camionnette se tenait en suspension dans l’air, moitié rentré dans l’amphithéâtre. Il était fusiforme, d’aspect plus ovale que rectangulaire et l’alliage qui le formait brillait d’une couleur argentée. Un pare-brise laissait entrevoir un pilote reptilien. Deux spires s’échappaient du bas de l’appareil et ressemblaient dangereusement à des armes.
Wesley se tourna vers Orélia, elle s’était décrochée du mur, et bien que ses blessures continuent à saigner, elle tenait dans sa main une petite télécommande.
Une balise de détresse ?
- Tirez ! commanda-t-elle.
L’Astonien eut à peine le temps de sauter de côté avant que le vaisseau ne se mette à tirer une salve de balles d’énergie plasma. Le jeune homme fut propulsé vers la sortie, alors que les munitions s’écrasèrent contre un mur, provoquant une explosion. La structure du bâtiment commençait à se détériorer.
Le vaisseau pénétra complètement dans la pièce et fit un tour sur lui-même. L’arrière s’ouvrit en une rampe d’accès. La Darkane monta à bord. Wesley se releva pour se précipiter vers elle. Ils échangèrent un regard.
L’Astonien se campa sur ses deux jambes, prit une profonde inspiration et contracta son poing droit. Il concentra son énergie dans sa main, une lumière blanche apparut entre ses phalanges et le symbole se mit à briller à l’extérieur de sa paume.
- Décollez ! ordonna Orélia, les boucliers ne résisteront pas à son attaque !
Le sas se referma, préparant l’appareil au vol à grande vitesse. Les propulseurs latéraux du vaisseau scintillèrent de mille feux et l’évacuèrent du bâtiment avant que l’élu de l’Alliance n’ait eu le temps de riposter.
Une fois hors d’atteinte dans le ciel, la Darkane s’assit et ses plaies commencèrent à guérir.
Qu’est-ce qui s’est passé là bas ? Comment a-t-il obtenu autant de pouvoirs ? se demanda-t-elle.
- Impératrice ?
Le copilote avait interrompu Orélia dans ses pensées. C’est elle qui avait insisté pour qu’on l’appelle ainsi. Elle devait s’occuper d’abord de la Terre, mais elle avait bien l’intention de conquérir le reste de l’univers. De toute façon, il n’y avait personne d’aussi puissant que Wesley et elle, donc personne ne pourrait s’opposer à son hégémonie.
A condition que je me débarrasse de lui, ajouta la Darkane pour elle-même.
- Quels sont vos ordres ? continua le laquais.
- Ramenez-moi à bord du vaisseau dôme.
Le jeune homme regarda frustré le vaisseau s’enfuir. Il libéra l’énergie de sa main, et en levant un doigt, déclencha l’alerte incendie du bâtiment entier. La structure avait été salement amochée, rien ne pouvait garantir que l’immeuble de huit étages ne s’écroulerait pas bientôt…
Puis il sortit en courant et rejoignit sa chambre dans la résidence universitaire, à quelques centaines de mètres de là. Il récupéra en vitesse son sac, y jeta des vêtements, les holographes et quitta l’appartement aussi vite qu’il y était rentré.
Il retrouva sa voiture garée pas très loin et prit la direction de chez lui sans se soucier des limitations de vitesse.
Elle a attaqué ; tous les gens que j’aime sont désormais en danger. C’est ma faute, si j’avais pu en finir je n’aurais pas eu à les plonger dans cette histoire. Mais je vais devoir les protéger pendant que je m’occupe d’Orélia…
Pendant les quelques heures de routes qui lui restaient avant d’atteindre sa maison, tout ce à quoi il put penser fut la sûreté de sa famille. Cela n’apporterait rien de les prévenir, de leur dire de se cacher ou de se tenir prêts : ils ne le croiraient pas, et rien de ce qu’ils pouvaient faire ne les protégerait de la Darkane de toute façon…
04
Le vaisseau drone mit peu de temps avant de gagner l’orbite de la Terre. Et il put se déplacer encore plus vite hors de l’atmosphère pour regagner sa base. Il paraissait insignifiant à côté du dôme monstrueux.
La Darkane activa la transmission et exigea qu’on lui ouvre le hangar des drones. Un côté du grand vaisseau circulaire s’ouvrit, un champ de force maintenait l’oxygène à l’intérieur du vaisseau, ainsi, les extraterrestres présents dans le hangar n’avaient pas à quitter la pièce pour laisser les drones atterrir. Le drone pénétra la barrière invisible sans inconvénient et prit place à côté des dizaines de vaisseaux identiques alignés.
Lorsque le drone s’ouvrit, deux rangées de membres de l’Institution posèrent un genou à terre pour accueillir leur chef. Quelques-uns osaient relever la tête et tentaient de cacher la surprise de voir l’envergure des dégâts que l’Impératrice avait endurés.
Car même si aucune trace de blessures ne subsistait, les vêtements de la Darkane étaient déchirés en de nombreux endroits et complètement imbibés de son propre sang.
D’un regard, elle découragea tout commentaire. Le premier qui ouvrirait la bouche sans autorisation se verrait récompensé par de merveilleuses tortures, promettant une mort lente et douloureuse.
Elle traversa le hangar, puis des couloirs, et la salle des machines pour arriver enfin à la salle de contrôle. En claquant des doigts, ses habits redevinrent comme neufs. Elle ne montrerait sûrement pas à son père qu’elle expérimentait « quelques difficultés » à en finir avec Wesley.
- Ouvrez un canal de discussion avec le chef de la Triade, dicta-t-elle à ses subordonnés.
Ils répétèrent l’ordre à l’ordinateur central et les informations traversèrent l’espace pour laisser place sur l’écran au père d’Orélia. Sans plus d’introduction elle lança :
- Père, il vous faut retarder l’arrivée de l’armée sur Terre.
- J’espère que tu plaisantes Orélia, il est absolument hors de question de retarder notre prise de contrôle de cette planète. Les humains sont peut-être faibles à l’heure actuelle, mais ils sont plus de six milliards. Ils formeront un jour la plus grosse artillerie de notre armée. La balance penchera en notre faveur dans cette guerre et nous pourrons enfin réduire l’Alliance à néant.
La Darkane prit une profonde inspiration, elle était passablement énervée à cause de son altercation avec Wesley et sa patience s’effritait à une vitesse alarmante. Elle fit craquer ses doigts et arbora un sourire des plus faux avant d’annoncer :
- Père, c’était par politesse que je t’ai présenté les choses comme ça… commença-t-elle.
Le chef de la Triade fronça les sourcils devant l’insubordination de sa fille, mais il n’était pas au bout de ses surprises.
- Je suis l’être le plus puissant qui existe, j’ai en ma possession un cristal et le seul amplificateur en activité de l’univers…
Elle crut voir son père tiquer, mais continua :
- Si un seul vaisseau tente de pénétrer l’atmosphère de cette planète je le ferais exploser en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.
- Orélia !
- Silence, interrompit-elle en levant un doigt. Et sache que dès que l’Astonien aura été vaincu, je prendrai place au-dessus de la Triade et récupèrerai ce qui est mien. Je vaincrai l’Alliance, je gagnerai cette guerre que vous avez tous été incapables de clore en plusieurs siècles et je ferai régner l’ordre. Prête-moi allégeance maintenant et tu garderas ta place dans la Triade.
- Comment oses-tu ? Espèce de traîtresse ! Tu n’auras rien de…
Mais il dut s’interrompre et saisir sa gorge, incapable de respirer. Orélia avait posé sa paume sur un panneau de configuration, elle puisait désormais dans l’énergie du cristal et dans l’amplificateur, directement sous le vaisseau à quelques dizaines de kilomètres.
- Vieux fou, insulta-t-elle, tu ne comprends donc pas ? Avec l’amplificateur, il n’y a aucun endroit dans l’univers où tu puisses te cacher.
A bien y réfléchir, il y a UN endroit, se dit la Darkane.
- Tu es à ma merci ! continua-t-elle. Prête serment à ton Impératrice immédiatement, ou tu peux dire adieu à ta pathétique existence.
Elle resserra son emprise et le teint de son père devint très pâle. Il acquiesça en toussant avec difficulté. Elle le relâcha légèrement, mais pas assez pour qu’il se sente complètement tiré d’affaire.
- Très bien, les troupes attendront votre ordre… Impératrice.
Elle sourit et en avec un geste de la main coupa court à la transmission.
- Impératrice, demanda un Dastique avec une légère salutation pour témoigner son humilité, avec tout le respect que je vous dois, pourquoi ne pas utiliser directement l’amplificateur pour détruire l’élu de l’Alliance ?
Orélia roula des yeux mais concéda finalement à donner une explication à son laquais :
- Initialement, les amplificateurs ont été installés pour préserver la paix sur les planètes. Ils peuvent assurer la protection de la planète et octroient de grands pouvoirs envers le reste de la galaxie, mais il est impossible de retourner l’arme pour traquer quelqu’un qui est déjà sur Terre. Il me faudrait faire sauter la planète entière pour me débarrasser de Wesley…
- Alors l’arme n’a aucun intérêt contre l’Astonien ? insista l’extraterrestre.
S’il continue encore longtemps, il va finir en pièces, se dit Orélia.
- Pas… directement, admit elle. Il peut augmenter ma puissance si je me trouve à côté lors d’un combat avec Wesley.
Le Dastique dut réaliser qu’il ne devait pas plus tirer sur la corde car il s’inclina poliment et reprit sa place.
Orélia se tourna vers le pare-brise pour contempler la planète bleue. Elle donna un ordre psychique à l’ordinateur. L’écran projeta un globe holographique, un point blanc brillant ponctuait l’homogénéité de la sphère. Puis, grâce à un agrandissement, la surface s’élargit et devint plus spécifique…
Avec ce vaisseau, je peux suivre tes déplacements à la trace Wes, nota la Darkane, tu es la signature énergétique la plus puissante de cette planète, aucun doute possible. Je vois que tu as décidé de rentrer chez papa et maman… Bien, nous allons donc faire de même.
- Rentrez dans l’atmosphère, ordonna-t-elle, il est temps de le tuer… ou de le pousser un peu plus vers la folie meurtrière. L’un comme l’autre sera une expérience très amusante !
Elle partit d’un rire dantesque mais fut vite interrompu par un Clanien inconscient :
- Mais, impératrice, si on quitte cette localisation, vous ne pourrez plus utiliser l’amplificateur…
Elle se tourna vers lui à une vitesse irréelle et lança son bras dans sa direction : alors que ses yeux avaient pris la couleur des ténèbres, son bras libéra une fumée noire et épaisse qui traversa le sbire pour ne laisser derrière lui qu’un cri inhumain déchirant.
- J’en ai marre que l’on conteste mes ordres ! cria-t-elle. Alors est-ce que quelqu’un d’autre à un problème avec le fait de m’obéir en la bouclant ? Qu’on le règle tout de suite !
Toutes les têtes étaient baissées.
- Alors, obéissez.
05
Le réveil se mit à retentir : 08h00. Wesley arrêta la sonnerie redondante et désagréable. Malgré ce départ brutal dans la journée, qu’il était agréable d’être de nouveau chez soi !
Le débarquement d’Orélia en vaisseau dans la faculté la veille lui avait fait très peur. Il avait cru qu’elle se précipiterait pour se venger sur Loïs et Marc. Mais lorsque l’adolescent était enfin arrivé en voiture le soir précédent, il avait trouvé ses parents tranquillement installés, sans la moindre trace de menace à l’horizon.
Il avait fait un tour de ronde, personne ne les surveillait. Les deux sbires de la Darkane pendus au cou de Wesley depuis des mois ne l’avaient même pas encore rejointe.
Ils doivent encore être en train de me chercher dans l’appartement…
L’Astonien ouvrit les volets et les fenêtres par la pensée.
Il était grand temps d’aérer, je me demande si maman rentre dans ma chambre pendant la semaine…
Il repoussa quelques mèches rebelles, enfila un pyjama et descendit les escaliers en se frottant le visage.
- Chéri, je t’ai pressé un verre de jus d’orange, annonça sa mère avec un grand sourire, et je pensais : raclette ce soir ?
Wesley sourit, sa mère était aux anges qu’il soit rentré. Il avait prétexté une semaine écourtée par des conférences à la faculté. Elle proposait même son repas préféré pour le diner.
- C’est parfait, m’man, remercia-t-il en saisissant son verre.
- Déjà levé ? demanda son père qui entrait dans la pièce. Pour un jour où tu n’as pas cours ? Il va neiger !
C’était tellement plaisant de vivre normalement sans se soucier de se faire attaquer à tout moment.
- Ne dis pas ça ! Regarde, le temps se couvre, remarqua Loïs superstitieuse.
L’Astonien fronça les sourcils : effectivement, il se mettait à faire très sombre.
- Y-a une éclipse de prévue ? plaisanta Marc.
Soudain, une chaleur insupportable envahit la maison à une vitesse incontrôlée. Les parents de Wesley se mirent à hurler. L’Astonien tenta de se protéger. Une explosion gigantesque envahit chaque recoin de la demeure. Le feu emporta tout. Le jeune homme essaya d’englober la pièce dans son champ de protection, mais il arrivait à peine à le maintenir érigé autour de sa propre silhouette. La température montait et devenait invivable. Son t-shirt s’était embrasé, des larmes brûlaient ses yeux et il commençait à étouffer. Puis, aussi vite qu’elle était apparue, la douleur s’évanouit.
Wesley ouvrit doucement les yeux. Sa peau craquelait à chacun de ses mouvements. Il fit un tour sur lui-même pour contempler l’ampleur des dégâts. Mais il n’y avait pas de dégâts, il n’y avait plus rien. Le jeune homme était la seule personne dressée au milieu d’un cratère de cent mètres de diamètre. Tout n’était que cendre. Aucune chance de survie pour ses parents. Et toujours cette ombre qui bloquait les rayons du soleil.
L’Astonien leva la tête…
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