• Red Moon (2/4) Prophéties - Jake Vecchiet

    red moon - tome ii prophéties couverture

    Résumé :

    Alors que Dan parvient à achever sa transformation, il est victime d’une balle en argent qui vient le frapper en plein cœur. C’est le moment que choisit son père sensé être mort pour venir le sauver ! Mais avec l’assassinat de sa mère et de l’ensemble des Lycants de Crystal Village, Dan se retrouve désigné comme étant le bâtard de la prophétie : celui qui ramènera le Prince. Désemparé et luttant contre une parcelle noire de son âme, le jeune homme doit rejeter Claire et Anna pour les protéger. Et pour comprendre les événements qui risquent de se produire, il lui faudra se plonger dans le passé et dans les secrets de sa naissance…

     

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    Extrait :

    01

     

    Jeudi 2 Août 2007

     

    Le shérif Carter se battait contre la serrure du bar.

    Ouvre-toi, saleté !

    Pratiquement incapable de se tenir debout, il avait dû quitter son appartement lorsque les dernières bouteilles d’alcool avaient été épuisées. C’était d’ailleurs la seule raison pour laquelle il daignait remettre les pieds dans cet endroit…

    Le shérif n’était plus que l’ombre de lui-même. Une barbe de plusieurs semaines oblitérait complètement son visage, et on aurait dit qu’une bombe avait explosé dans ses cheveux bruns hirsutes.

    - Merde, marmonna Tom.

    Il n’avait pas pris la bonne clé. Il rangea son trousseau et se tint immobile devant la porte close du bar « Laura’s ». Pendant quelques secondes, le brouillard qui lui avait été octroyé grâce à la douce boisson fermentée se leva.

    Il prit une profonde inspiration et refreina un sanglot. Il ne voulait pas de cette lucidité, elle était devenue son démon. La bête qu’il gardait tapie au fond de lui.

    Il considéra un quart de seconde les conséquences, avant de sortir son arme de service de son holster, et d’en asséner un grand coup sur la serrure vétuste du bar qui céda aussi vite. La porte en bois s’entrebâilla dans un grincement désagréable.

     

    Tom entra et chercha à tâtons l’interrupteur. Lorsque les lampes prirent vie, il dut cacher ses yeux de la lumière trop intense pour son degré de fatigue.

    Il avança tant bien que mal à travers la pièce, renversant deux chaises et se cognant contre une table, avant de passer derrière le comptoir.

    C’était là que la première pierre de leur relation avait été posée. Ce jour là aussi, il était bourré… Pas autant cela dit. Il lui avait demandé ce qu’il faudrait pour qu’une femme comme Laura Flye s’intéresse à un homme comme lui…

    Ecartant immédiatement ce souvenir de son esprit, il attrapa une bouteille sous le comptoir, sans même se soucier de la nature de l’alcool, et porta le goulot à sa bouche.

     

    Cela faisait deux mois qu’elle n’était plus, et lui avait perdu goût à la vie. Son travail, qui l’avait pourtant passionné par le passé, n’avait plus d’intérêt.

    Une seule chose le poussait désormais à se lever le matin : la vengeance. Son rêve de pouvoir la ramener un jour avait doucement été remplacé par un désir ultime de revanche. Tout humain qu’il soit, il allait trouver la créature qui avait réduit ses rêves à néant, puis il la ferait disparaître de la surface de la planète.

    C’était la seule chose sur laquelle il pouvait rester concentré entre deux verres d’alcool.

    Il n’avait pour ainsi dire plus de relation avec qui que ce soit. Il avait complètement délaissé Dan, et cela ne faisait qu’aggraver son état dans ses moments de lucidité.

    La culpabilité. Il avait laissé mourir la femme qu’il aimait, celle avec qui il avait voulu faire sa vie. Porté par la mélancolie de l’ivresse, il sortit un écrin de sa poche.

    Il ouvrit la petite boîte de velours pour révéler la bague de fiançailles qu’il avait achetée pour Laura. Sa vision devint floue, et l’écrin lui échappa.

    Il tomba au sol et plongea à plat ventre pour chercher la bague. C’était la dernière chose qui la retenait près de lui. Il s’en saisit comme si c’était l’objet le plus important au monde, et s’assit à même le sol, contre le comptoir.

     

    Après avoir avalé une nouvelle rasade, le shérif Carter reporta son attention sur le bijou. Mais il sentit son portable vibrer dans sa poche. Il en vida maladroitement le contenu sur le sol. La boussole argentée dégringola en premier, roulant à quelques centimètres de son genou. Il lui jeta un coup d’œil mauvais… Pour ce à quoi elle avait servi jusque là…

    Il adressa son attention sur son téléphone. « Maire Walker » s’inscrivait sur l’écran.

    Qu’ils aillent tous au diable…

    Il laissa sonner dans le vide, et attrapa une nouvelle bouteille.

     

    ***

     

    Le maire Walker réprima une injure lorsqu’il tomba pour la énième fois sur la messagerie du shérif.

    Un adjoint passa la tête à travers la porte et l’interpella.

    - Yannick, on ne peut pas retarder d’avantage la réunion.

    Le maire hocha silencieusement la tête. Son collègue réintégra la salle de conseil.

     

    Walker se massa les tempes. Il avait l’impression que la proportion de cheveux blancs sur son crâne avait quadruplé depuis les événements de juin. Les choses dérapaient.

    Tom le préoccupait. Cet homme que le maire avait toujours eu en estime semblait prisonnier d’une spirale sans fin. Le shérif n’avait pas répondu aux messages du maire et n’avait pas daigné assister aux dernières réunions.

    Il avait des comptes à rendre, et malheureux ou non, ses actions auraient des conséquences.

    Yannick avait de bons rudiments de politique : il savait qu’il ne pourrait pas gagner les deux arguments ce soir. Il ne pourrait en protéger qu’un sur les deux. Le conseil, déjà tendu, n’accepterait jamais un nouveau report d’audience. Et les décisions qui allaient être prises seraient lourdes de retombées…

     

    Le maire entra finalement dans la salle du conseil. Les chuchotements des délégués s’interrompirent immédiatement. Yannick s’installa. Au bout de la longue table en bois, Monique Bales qui occupait habituellement la première place à ses côtés, le fusilla du regard.

    - Excusez-moi pour ce léger retard, fit Walker d’une voix basse.

    La sorcière à la bouche pincée en face de lui plissa les yeux. Elle remit une mèche de ses cheveux auburn derrière son oreille – un de ses tics. Elle se racla la gorge, se leva et avança :

    - Je crois qu’il est plus que temps d’aborder le sujet qui nous inquiète tous…

    Tous les regards s’étaient tournés vers Monique. Elle prit une pause dramatique et enchaîna :

    - Dan Flye. Il est le dernier loup-garou de Crystal Village… Nous savons tous ce que cela veut dire.

     

    La mâchoire du maire se contracta. Depuis le carnage de la meute, l’adolescent lycant était devenu l’objet de la croisade de Monique Bales.

    - Il est forcément le bâtard de la prophétie, et si nous ne faisons rien, poursuivit-elle, il causera notre destruction à tous. Et bien que ce ne soit pas de l’avis de tous, la protection de notre village reste ma priorité.

    Fort d’un flegme à toute épreuve, le maire ne réagit pas à cette pique évidente.

    - Il nous faut nous débarrasser de lui, au risque de voir se réaliser la prophétie ! insista-t-elle.

    Yannick Walker balaya du regard les visages de ses collaborateurs. Certains acquiesçaient distinctement. Mais dans les expressions de la majorité, c’était le doute qui ressortait.

    N’obtenant pas l’engouement qu’elle attendait, la sorcière s’assit.

     

    Durant quelques instants pendant lesquels le maire choisit ses mots, un étrange calme régna dans la salle du conseil. Lorsqu’il ouvrit enfin la bouche, il parla d’une voix calme. Son ton doux contrastait avec la fougue dont son interlocutrice avait fait preuve.

    - Ce que tu sembles omettre Monique, énonça-t-il, est que ce lycant, que tu accuserais presque d’amener l’apocalypse… est un adolescent.

    Mme Bales eut envie de l’interrompre, mais elle se reprit bien vite, réalisant les risques.

    Yannick tenta de rencontrer le regard de chacun des élus.

    - Nous sommes en train de parler du bien fondé d’un meurtre. Pour un enfant qui vient de perdre la famille qui lui restait, ainsi que ses amis. Et non comptant d’assumer cette injustice, il faudrait se cacher derrière une prophétie dont on ignore toujours la véracité ?

    - Remettrais-tu en doute la parole de ta propre mère ? contra Monique dont le ton montait.

    Le maire rétorqua avec calme :

    - Tu devrais savoir mieux que quiconque que même les parents font des erreurs…

    La sorcière se plongea dans son fauteuil, ses yeux n’étaient plus que deux revolvers qui fusillaient Yannick.

    - Ce sujet n’a plus à revenir sur la table pour le moment, conclut le maire.

    La majorité du conseil acquiesça.

    Walker avait gagné cette manche là.

     

    Une main se leva. Yannick posa le regard sur l’élu.

    - Qu’en est-il du shérif ? Voilà deux mois qu’il est sur la touche. Il est très gentil, admit le délégué avec honnêteté, mais il ne semble plus capable d’assurer son rôle.

    - Tom nous a prouvé par le passé qu’il était plus que compétant dans ce domaine et…

    - « Par le passé », répéta une sorcière du conseil. Excuse-moi Yannick, moi aussi je l’aime beaucoup. On a rarement eu un non Initié qui collaborait aussi bien avec nous. Mais depuis…

    Elle hésita avant de poursuivre :

    - Depuis les événements de juin, il ne remplit plus son rôle. Et je l’ai croisé il y a quelques jours… Je ne me sens pas vraiment à l’aise avec la notion de quelqu’un comme lui qui continue à porter une arme à feu…

    Les déboires du shérif avec l’alcool avaient donc fait le tour de la ville…

    Le conseil se tourna vers Yannick. A l’autre extrémité de la table, un petit sourire se dessina sur le visage de Monique.

    Finalement, le maire hocha la tête et posa la question qu’il redoutait depuis le début de la réunion :

    - Ceux qui sont pour libérer Tom Carter de ses obligations ?

    Et il vit les mains se lever autour de lui.

     

    ***

     

    La réunion venait de prendre fin. Les élus rentraient chez eux, heureux de pouvoir enfin se libérer de leurs obligations, à une heure tardive. Ils se levaient de table, repliaient leurs dossiers ouverts et quittaient la mairie avant que qui que ce soit puisse les retarder d’avantage.

    Seuls Mme Bales et le maire Walker demeurèrent assis dans la salle du conseil. Lorsque la porte se referma pour ne laisser plus qu’eux, Monique bondit tel un animal. En un fraction de seconde, elle se tenait penchée devant le maire portant un doigt accusateur à son visage.

    - Tu vas me rendre ma fille, Yannick ! Je veux la récupérer, est-ce que tu as bien compris ? hurla-t-elle pratiquement. Tu n’as absolument aucun droit de la maintenir loin de moi, si…

    Le maire leva sa main et la sorcière fusa contre le mur opposé. La chevalière de Yannick voyait son saphir pulser sous l’énergie dégagée par l’élu.

     

    Il se leva finalement et se rapprocha de la femme. Elle semblait incapable de faire le moindre mouvement, suspendue à une dizaine de centimètres du sol. Sa bouche même était paralysée et lui interdisait la parole.

    - N’oublie pas à qui tu t’adresses Monique. Avec ce que tu as fait, tu as de la chance d’être toujours en vie ! N’oublie pas qu’il n’y a qu’une seule raison pour laquelle c’est le cas. N’oublie pas que si tu me pousses à bout, je révèlerais ton implication dans le départ d’Anna et tu seras condamnée.

    Yannick relâcha son emprise. Les pieds de la sorcière retrouvèrent la terre ferme.

    - Anna n’est pas chez moi contre son gré, elle peut décider de partir à tout moment. Mais je crois qu’elle préfèrerait être partout plutôt qu’avec toi.

    - C’est ma fille, articula-t-elle avec une boule dans la gorge.

    - Peut-être, admit le maire. Mais ce que tu as fait t’a retiré de nombreux privilèges. Ta fille…

    Il se retourna et marcha vers la sortie.

    - Et ta place au conseil municipal. J’attends ta lettre de démission pour demain.

    Lorsqu’elle se retrouva seule, les jambes de Monique Bales se dérobèrent sous son poids et elle se retrouva à sangloter, assise sur ses fesses.

     

    ***

     

    La fenêtre de la nouvelle chambre d’Anna était ouverte. La jeune sorcière était assise dans son lit, fixant l’extérieur. Des posters de paysages du monde traînaient dans un coin de la petite pièce, mais l’adolescente n’avait pas trouvé la motivation de les afficher. La déception qu’avaient été ses vacances en Italie pendant l’été lui avait fait relativiser ses rêves de voyages autour du monde.

    Mais plus que ça, son rêve s’était déjà transformé au contact de Dan. Il avait évolué avec leur relation, et elle ne voyait plus l’intérêt de partir seule découvrir les merveilles que la planète avait à offrir.

    Si elle partait, elle voulait que ce soit avec lui.

    Tant de choses s’étaient produites ces derniers mois. Elle ne reconnaissait plus sa vie.

    Sa mère avait été son modèle jusqu’à ce qu’elle rencontre Dan. Mais ce qu’elle avait fait été impardonnable, alors que ses sentiments pour le lycant étaient clairs. Elle n’avait jamais ressenti cela de son existence, elle n’avait jamais même pensé être capable de ressentir quelque chose d’aussi fort…

    Mais pouvait-elle le blâmer de mettre de la distance entre eux après ce qu’il s’était produit ?

    Et elle ne lui avait même pas dit que tout était la faute de sa mère. Si le loup-garou savait que Laura était morte à cause de Monique Bales… Il ne lui pardonnerait jamais.

     

    Elle se leva de son lit et s’immobilisa devant la fenêtre ouverte. Pendant quelques instants, elle scruta les ténèbres autour d’elle.

    Est-ce que tu penses à moi, où que tu sois ?se demanda-t-elle.

    Son regard vaqua sur les toits des maisons alentours.

    - Bonne nuit, marmonna-t-elle pour personne d’autre qu’elle-même, avant de baisser la battant de la fenêtre.

    Elle éteignit sa lampe de chevet et s’installa dans son lit.

     

    ***

     

    Dan vit l’ampoule s’éteindre dans la chambre de la jeune sorcière. Il avait conscience du mal qu’il s’infligeait, mais il ne pouvait s’empêcher de venir la voir.

    Seuls les yeux dorés du loup-garou brillaient dans la nuit. Il était si tard que les lampadaires du quartier s’étaient endormis à leur tour. Il était perché sur le toit d’une maison à quelques dizaines de mètres de celle du maire Walker.

    Il avait interrompu sa métamorphose. C’était dans cet état qu’il se sentait le mieux. Toutes ses perceptions étaient accrues, même si elles n’étaient pas à leur maximum, et il conservait une apparence humaine.

    Il aurait même pu choisir de réveiller l’autre partie de lui-même, celle qu’il avait tant de mal à conserver enfouie… Ses yeux n’auraient même pas eu cette teinte dorée.

    Mais Anna adorait leur couleur or. Elle lui avait dit à l’époque où ils se retrouvaient sur le toit du lycée.

    A l’époque où tout était plus simple… Où le plus difficile était d’éviter Mme Bales qui désapprouvait leur relation.

     

    Le garçon resta encore un moment à fixer la jeune femme qui plongeait dans le sommeil. Il y voyait aussi bien qu’en plein jour et il pouvait voir le thorax d’Anna se lever au rythme de sa respiration.

    Il se concentra sur son ouïe et parvint même à entendre les battements de cœur de la sorcière. Et bientôt, il calqua les siens sur ceux de l’adolescente.

    Il aurait pu rester toute la nuit… Cela faisait un moment qu’il avait perdu le besoin de dormir. Mais quelqu’un d’autre l’attendait.

     

    Il traversa la ville à une vitesse défiant celle de n’importe quel non Initié. Il se trouva bientôt à la lisière de la forêt, dans une grande propriété. Il ouvrit la porte d’entrée et entra sans attendre qu’on l’invite.

    Il retrouva la jeune femme. Elle était assise dans un canapé dont les housses déchiquetées laissaient pendre des lanières de mousse. Le papier peint était déchirés à de nombreux endroits et flottait depuis les pans de murs. Le lustre éclairait la pièce, c’était la seule source de lumière qui fonctionnait encore, au contraire des lampes écrasées sur le sol.

    La blonde venait de fêter sa majorité, mais avec ses traits adultes, on lui aurait donné au moins cinq années de plus. Ses cheveux blonds ondulaient jusqu’à la moitié supérieure de son dos et son bronzage était impeccable.

     

    Nina fixait des photos accrochées au mur. Elle se leva lorsqu’elle réalisa que Dan venait d’entrer.

    Les yeux foncés de la blonde étaient toujours rougis. Il essaya de sourire, pour lui remonter le moral, mais sa tentative échoua.

    Il traversa la pièce, sans faire attention au gravats qui jonchaient le sol. Il la prit dans ses bras alors qu’elle nichait sa tête au creux de l’épaule du loup-garou.

    - Il me manque, murmura-t-elle.

    - Je sais, répondit doucement Dan.

    Le regard du garçon s’accrocha au portait de Ludovic que la lycante fixait à son arrivée. Dan parcourut la pièce de ses yeux, la résidence des Ebesst ne ressemblait plus qu’à un vaste dépotoir.

    Il reporta son attention sur la photo de son ami et coéquipier.

    Comment on a pu en arriver là…ne put s’empêcher de penser le jeune homme.

    Et ses pensées s’attardèrent sur « les événements de juin ». Tout avait changé quand Dan avait vu le massacre de la meute.

    Quand il avait réalisé la mort de sa mère.

    Quand il avait appris qu’Eric Flye n’était pas mort.

    Et quand il avait découvert que son propre père était en fait un vampire…

     

    02

     

    Vendredi 1er Juin 2007

     

    Dan sentait un liquide se répandre sur son torse. Son sang. La transformation s’était inversée, il avait recouvré son apparence humaine. Le dernier vampire avait eu raison de lui avec une balle en argent. Il ne pouvait plus rien, complètement à la merci de son ennemi, allongé sur le dos.
    Les bruits étaient étouffés. Son regard se perdait dans la voûte étoilée. Il ne sentait plus que son cœur battre au fond de sa poitrine. Sa respiration se fit plus saccadée. La douleur commençait à disparaître. Il pensa à sa mère et à Anna. Une larme roula sur sa joue.

     

    Quelqu’un se pencha au-dessus de lui. Comme une vision du futur. L’homme était plus grand que lui et paraissait d’une dizaine d’années son aîné. Ses cheveux bruns et sa peau mate lui donnaient un air méditerranéen. Lorsque le garçon plongea son regard dans les yeux noirs de l’individu, il crut à une hallucination.

    - Papa ? murmura-t-il.

    Un dernier soubresaut parcourut l’adolescent et il perdit connaissance.

    - Tiens le coup, Dan ! cria Eric.

    En l’espace d’une seconde, le visage de l’homme se métamorphosa. Ses canines poussèrent alors que des veines se dessinaient au contour de ses lèvres et de ses yeux, qui n’étaient plus que deux billes noires.

     

    Sans l’ombre d’un doute, il releva légèrement le corps de son fils. Puis il porta son propre poignet à sa bouche et s’entailla avec ses canines acérées. Le sang coula de son poignet, et il le porta aux lèvres du garçon.

    - Bois Dan ! s’enquit-il.

    Il laissa son sang se déverser dans la gorge du lycant.

     

    ***

     

    Lorsque le shérif Carter avait reçu le coup de fil, il avait immédiatement craint le pire. Sans même alerter qui que ce soit, il quitta le bal de fin d’année qui se tenait au lycée. Son rôle de chaperon passait après son métier.

    Il bondit dans sa voiture et conduisit à toute vitesse jusqu’au bord de la forêt. Il ne connaissait pas exactement la localisation de la crypte. Il n’en avait pas le droit : seule la meute et le gardien du secret étaient dans la confidence…

    Mais l’adolescent qui avait appelé pour prévenir du drame devait l’attendre sur le bas côté.

     

    Tom bondit du siège, sans prendre la peine de fermer la portière, lorsqu’il reconnut l’ami de Dan.

    - Je te suis, dit simplement le shérif.

    Le garçon brun hocha la tête et s’aventura en courant dans la forêt.

    Finalement, il désigna un énorme tronc d’arbre dans le bois.

    - C’est une illusion, annonça-t-il. Ca descend par là.

    Carter ne chercha même pas à se demander comment l’étudiant avait appris la vérité sur la meute et ses secrets. Cela ne le préoccupait pas pour l’instant.

    Il tendit un doigt dans la direction de sa voiture.

    - Des renforts vont arriver, prévint-il. J’aurais besoin de toi pour les guider.

    Liam acquiesça et repartit en direction de la route.

     

    Lorsqu’il fut certain d’être hors de vue du shérif, l’adolescent put relâcher la fausse tension qui se lisait sur son visage. Ses traits se transformèrent en un sourire de satisfaction.

    Les choses se déroulaient exactement comme il l’entendait. Dan était désormais le seul loup-garou à Crystal Village. Dans quelques mois à peine, le Prince serait là. Son retour était imminent.

    C’était presque trop facile. Personne n’avait pu découvrir que Liam Mueller était en fait un vampire, pour la simple raison que l’on ne suspectait pas quelqu’un qui pouvait se balader en plein soleil…

     

    ***

     

    - Oh mon Dieu, murmura Yannick Walker lorsqu’il pénétra dans la crypte. On devinait facilement le massacre qui s’était joué dans cet endroit, à la quantité de sang qui avait éclaboussé les murs et les sols.

    Monique Bales était sur ses talons, tentant au mieux de feindre la surprise. Mais même elle fut choquée du degré de violence qui avait dû régner à cet endroit. Bien sûr, en donnant la localisation du repère des lycants, elle savait qu’elle les condamnait. Mais elle ne put empêcher une pointe de culpabilité ressentie en elle… Même si elle n’avait que du mépris pour cette espèce.

    Elle sortit sa clé et vérifia le pouls des cadavres humains au sol. D’un signe de tête en direction du maire, elle confirma leur état.

     

    - On va avoir besoin de plus d’ambulance… Pour les corps, nota-t-elle.

    Yannick acquiesça. La femme désigna une cage du menton. Elle était la seule ouverte à leur arrivée, mais ce n’était que maintenant que les deux sorciers remarquaient la présence de quelqu’un de bien vivant. A l’uniforme, ils reconnurent le shérif Carter.

    - Remonte, marmonna Walker. On ne pourra pas cacher ce qu’il s’est passé ce soir, il y en a trop… Mais il faut limiter les dégâts, et il n’y a plus rien à faire, ici.

    Il entendit bientôt les talons de la femme claquer vers la sortie.

     

    Le maire se rapprocha doucement du shérif.

    - Tom, appela-t-il.

    Carter l’ignorait toujours. Il était assis dans une mare de sang et avait enlacé avec la plus grande délicatesse le haut du corps de Laura Flye, qui reposait à moitié sur lui.

    - Tom, répéta l’élu.

    Les yeux du concerné se levèrent bientôt vers le sorcier. Le shérif ne pouvait empêcher les larmes de couler de ses yeux.

    - Il ne faut pas rester ici, assura Walker de sa voix la plus compatissante possible.

    - Ramenez-là, répondit Carter.

    Le maire s’accroupit et posa une main sur l’épaule de l’agent de l’ordre.

    - Ce n’est pas possible, Tom…

    Carter réprima un sanglot.

    - Allez chercher votre cristal, et ramenez-là ! Vous l’avez fait avec moi ! s’énerva le shérif.

    - C’est trop tard. Je suis désolé, je n’en suis pas capable, je ne peux pas, insista Yannick.

    Tom regarda le visage paisible de la femme blonde qui reposait sur ses genoux. Il écarta avec la plus grande tendresse une mèche de cheveux et leva un regard déterminé vers le maire.

    - Alors je trouverai quelqu’un qui le peut.

     

    ***

     

    Dan était perdu dans un brouillard sans fin. Alors que la douleur avait semblé disparaître, elle était revenue plus intense que jamais. On aurait dit qu’un poison circulait dans son corps et le brûlait de l’intérieur.

    Quelqu’un l’avait porté, mais ouvrir les yeux était au-dessus de ses moyens. Le simple fait de respirer lui demandait une énergie incommensurable.

    Finalement, il avait été allongé sur une surface plane, plus agréable que la terre où il avait failli perdre la vie.

    Une voix retentit et parvint à percer l’esprit chaotique du garçon :

    - Tu dois être fort maintenant.

    Il chercha à se raccrocher à ce timbre, si similaire au sien. Mais bientôt la douleur se fit plus lancinante et il se sentir partir.

    Dans son délire, des scènes étranges prirent vie. Comme des souvenirs qui auraient appartenu à quelqu’un d’autre. Etaient-ce de simples rêves ? Ou quelque chose de plus compliqué ? Il n’était pas en mesure d’y réfléchir, il pouvait seulement assister en témoin improbable…

     

    ***

     

    Laura marchait dans les rues de New York. Une grande carte ouverte devant ses yeux et traversant les routes sans regarder, son excitation était telle qu’elle ne percevait même pas les klaxons alentours.

    L’euphorie l’avait prise dès la sortie de Crystal Village. La simple idée de quitter son village pendant deux semaines l’avait réjouie au plus haut point.

    C’était pour la féliciter de ses excellents résultats que ses parents lui avaient octroyé deux semaines, tous frais payés, dans « Big Apple ».

    Elle avait juste le temps avant de devoir revenir pour la pleine lune. Et puis elle rentrerait à l’université la plus proche. Cette maudite malédiction de la pleine lune était un vrai handicap à toute sorte de vie sociale…

    Mais pas maintenant… se dit-elle.

    C’était son échappatoire. Elle avait dû renoncer aux études de ses rêves. Elle avait dû rompre avec son « high school sweetheart » parce qu’il n’était pas « digne de confiance » selon le reste de la meute.

    Mais à New York, elle pouvait s’inventer une vie. A New York, elle n’était pas une lycante… Elle était une femme.

     

    Elle se récitait ces magnifiques pensées lorsqu’elle rentra dans quelqu’un et s’écroula au sol. Les fesses contre le bitume, elle replia sa carte. C’est à cet instant qu’elle réalisa que ce qu’elle avait percuté était en fait un homme d’une trentaine d’années ou presque, passablement mignon !

    - Excusez-moi, lança-t-elle en rougissant. Je ne regardais pas où j’allais. Je ne suis pas d’ici et je crois que je ne faisais pas très attention…

    Le brun à la peau mate se releva et épousseta son costume bleu anthracite.

    Quel charme ! pensa de nouveau Laura.

    - J’avais remarqué, trancha-t-il, glacial.

    Et le charme retombe… commenta-t-elle pour elle-même.

    Finalement, il lui tendit la main pour l’aider à se remettre sur pied.

    - Dîtes-moi, elles sont toutes comme vous, les paysannes de votre trou ? lança-t-il avec un petit sourire en coin.

    Elle plissa les yeux avant de rétorquer avec un air suffisant :

    - Je sais pas. Ils sont tous comme vous les crétins de citadins ? Et d’abord, qu’est-ce qui vous fait dire que je viens d’un trou ?

    Cette fois-ci, le sourire de l’inconnu s’élargit franchement.

     

    Il se rapprocha d’elle et croisa les bras.

    - C’est flagrant ! Rien que l’accent.

    Elle s’avança à son tour, plaqua ses poings contre ses hanches et releva le menton.

    - Y-a un problème avec mon accent ? questionna-t-elle vexée.
    - Absolument aucun, répondit-il du tac-au-tac. Vous n’auriez pas envie de me rentrer dedans, demain ? Disons même heure, même endroit ? Je connais un café très sympa où je pourrais me moquer d’avantage de vos origines paysannes.

    Elle plissa les yeux un peu plus, cherchant à trouver le piège.

    - Et pourquoi je ferais ça, Môssieur le costume trois pièces ?

    - Je pourrais vous apprendre à lire une carte… Et peut-être à marcher sans renverser quelqu’un, mais je ne veux pas trop m’avancer…

    Elle croisa les bras, mais un petit sourire la gagnait et elle avait de plus en plus de mal à conserver son sérieux.

    - Vous avez réponse à tout, vous…

    Il hocha la tête.

    - Nous les citadins, on est comme ça !

    Ils se jaugèrent pendant un instant sans parler. Finalement l’air amusée de la blonde prit le dessus.

    - Demain, même heure ?

    - Ici même, confirma-t-il.

    Elle acquiesça, tentant de cacher son sourire grandissant. Puis elle se tourna et commença à marcher dans l’autre sens.

    - Hé ! Attendez ! cria le brun. Vous ne m’avez même pas dit votre nom !

    - Vous non plus ! lança-t-elle par-dessus la foule.

    Il mit ses mains en porte-voix :

    - Eric Flye !

    - Moi je suis…

     

    ***

     

    - Maman ! hurla Dan en se relevant du canapé.

    En quelques secondes, son père était sur lui. Il força son fils à s’allonger et posa une main sur le front du garçon. Il brûlait. Le délire avait commencé.

    - Ca va aller, essaie de te reposer…
    Mais avant même que le vampire ait fini sa phrase, l’adolescent avait replongé dans un sommeil mouvementé.

    Eric se rassit sur la chaise qu’il avait placée à quelques centimètres du visage du lycant.

     

    La sonnette retentit presque dix secondes après qu’Eric a senti une présence humaine. Méfiant, il attendit derrière la porte d’entrée. La sonnette se fit entendre de nouveau.

    Les battements de cœur du visiteur retentissaient aux oreilles sensibles du grand brun.

    - Dan ! cria une voix féminine. C’est moi ! Ouvre, je t’en prie !

    On tambourina à la porte. Finalement, Eric ouvrit à la volée.

    - Oh, Dan, je…

    Claire s’interrompit. Elle pencha la tête de côté, ne pouvant se résoudre à accepter la ressemblance entre l’homme qui se tenait devant lui et son Sherlock…

     

    - Qui êtes-vous ? questionna-t-elle.

    Le vampire leva un sourcil.

    - Vous venez sonnez, et c’est moi qui dois me présenter ? demanda-t-il d’une voix posée.

    L’étudiante plongea une main dans sa poche, peu rassurée. Le contact de son téléphone portable la ragaillardit.

    - Claire. La meilleure amie, ajouta-t-elle. Et vous ?

    - Je suis un cousin de Dan.

    La fille aux cheveux méchés recula d’un pas. De ses doigts, elle composa le « 911 », elle n’avait plus qu’à presser le bouton vert et les secours seraient avertis.

    - Dan n’a pas de cousin, murmura-t-elle.

    L’homme réfléchit quelques instants.

    - Je suis un ami de la famille, se reprit-il. Si vous cherchez Dan, ce n’est pas le bon moment. Il vient de vivre quelque chose de particulièrement difficile et…
    La jeune femme posa une main sur sa bouche et ravala un sanglot.

    - Non mon Dieu, hoqueta-t-elle. Alors c’est vrai ? Liam m’a appelée, mais je ne voulais pas y croire…

    Elle ne put empêcher des larmes de couler.

     

    - Dan ! cria-t-elle.

    Elle avança et bouscula Eric pour rentrer.

    Il lui attrapa les bras et lui bloqua l’entrée.

    - Non, mademoiselle, vous ne pouvez pas…
    - Non vous ne comprenez pas, si Laura est…

    Elle éclata en sanglots.

    - Il a besoin de moi, gémit-elle.

    - Je m’occupe de lui, assura-t-il.

     

    En une fraction de seconde, l’attitude de l’adolescente changea. Elle recula et se redressa.

    Mais elle est schizophrène ou quoi ?pensa le vampire.

    Claire brandit le téléphone avant d’avancer :

    - Vous allez me laisser entrer ! Je veux voir Dan, j’exige de le voir !

    Elle hurlait pratiquement.

    - Je ne vous connais pas ! Et pourtant je connais tous les gens qui comptent pour lui ! Ou vous me laissez entrer, ou vous vous expliquez avec le shérif !

    Bien sûr, Eric aurait pu se saisir du téléphone avant même que la jeune femme s’aperçoive de son geste. Mais il ne désirait pas attirer l’attention. Il devait absolument garder son retour à Crystal Village secret.

    Et contre toute attente, cette adolescente semblait capable de braver tous les dangers, simplement pour voir son fils.

     

    Il souffla. Qui eut cru que les humains le porteraient sur les nerfs aussi vite… En cinq minutes, cette fille avait usé la patience qu’il s’était construit en près de vingt ans.

    Il leva finalement un doigt.

    - Tu entres pendant une minute, le temps de vérifier que je ne suis pas un tueur psychopathe et que Dan va bien…

    Elle acquiesça. Le deal lui convenait.

    - Je te préviens, il dort et il a une mauvaise fièvre…

    Elle jeta au vampire un regard suspicieux.

    - Comment ça se fait que vous ressembliez autant à son père ? questionna-t-elle en passant le seuil de la porte.

    - Qu’est-ce que tu sais sur Eric ? demanda l’intéressé, surpris.

    Elle soupira bruyamment.

    - C’est une manie chez vous de répondre à une question par une question ?

     

    Il cacha un petit sourire. Finalement, il comprenait pourquoi Dan appréciait cette fille… Elle haussa les épaules.

    - Je sais qu’il est mort et j’ai vu quelques photos de lui, expliqua-t-elle finalement.

    Claire aperçut finalement son ami allongé sur le canapé et accourut. Elle tomba sur ses genoux et passa le revers de sa main sur le front du garçon.

    - Il est brûlant ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ? s’enquit-elle.

    - Le contrecoup… répondit Eric sans trop s’avancer.
    - Le pauvre, murmura-t-elle en caressant les cheveux du lycant.

     

    Elle tourna la tête vers Flye senior pour lui poser une énième question, quand Dan ouvrit des yeux entièrement noirs.

    Conscient de la situation, son père réagit au quart de tour : il bondit entre l’adolescente et le garçon alors que ce dernier avait basculé l’avant de son corps vers la jugulaire de l’étudiante.

    Eric plaqua son fils contre le sofa. Dan feula comme un tigre, dévoilant ses canines pointues. Bientôt, les veines noires disparurent du visage du lycant et il retomba dans le sommeil.

    Lorsqu’il se retourna enfin, monsieur Flye dut faire face à une Claire désarçonnée.

    - Mais qu’est-ce que vous faîtes ? demanda-t-elle incrédule.

    - Il a comme des crises… expliqua le vampire. Ecoute, je pense qu’il serait mieux de le laisser se reposer, maintenant. Je promets de lui dire que tu es passée quand il ira mieux.

     

    Elle acquiesça mais hésita encore un instant.

    - Et qu’il doit m’appeler… compléta-t-elle enfin.

    Il secoua la tête pour exprimer son accord.

    Elle marcha jusqu’à la porte, ne pouvant s’empêcher de mordre dans sa lèvre inférieure. Adoptait-elle la bonne conduite ?

    Après tout, elle laissait son meilleur ami, son  « Sherlock » entre les mains d’un homme pour le moins étrange, alors qu’il venait de perdre son dernier parent et qu’il semblait atteint d’une maladie bizarre.

    Claire se retourna finalement, une fois arrivée sur le seuil de la porte.

    - Je ne sais pas si c’est une très bonne idée que je le laisse tout seul… argumenta-t-elle.

    Eric bloqua la main de sa porte.

    - Si, si… Vraiment. Il a besoin de calme…

    Ca veut dire quoi, ça ? Je suis pas calme, moi ?Ne put-elle s’empêcher de penser.

    Elle leva un doigt.

    - Je n’ai même pas saisi votre nom…

    Sa phrase resta en suspens quelques secondes. Eric afficha un sourire poli.

    - C’est très bien comme ça, assura-t-il.

    Et il claqua la porte au visage de la jeune femme.

    Ca va bien cinq minutes les ados…se dit-il.

     

    ***

     

    Depuis deux heures, Eric regardait impuissant son fils subir une mutation dont lui-même ignorait l’aboutissement. Normalement, les gènes des Initiés étaient dominants, aussi ils ne pouvaient coexister : pas de sorcière vampire, pas de loup-garou vampire… Et cela dans toutes les variations possibles.

    Pourtant avec le sang de son paternel, Dan avait retrouvé la vie. Et comme il l’avait si bien démontré en manquant arracher la tête de sa meilleure amie, il était en train de se transformer… En quelque chose d’autre.

    Il faisait de son mieux pour maîtriser son anxiété, mais le fait d’ignorer en quoi son fils allait se changer, ou même s’il allait survivre le rongeait de l’intérieur.

     

    Les lumières étaient éteintes dans la maison : Eric n’avait pas besoin de cela pour voir, et ce n’était pas la peine d’attirer d’avantage l’attention.

    Soudain, la porte s’ouvrit et quelqu’un entra.

    En quelques secondes, le vampire traversa la pièce pour cueillir le nouveau venu et le plaquer contre le mur. Il le souleva du sol pour faire bonne mesure, avant de demander :

    - Qu’est-ce que vous faîtes ici ?

    L’inconnu tenta de donnait des coups sur la main de fer qui l’immobilisait, et l’étranglait…

    - Je suis… chez moi ! parvint-il à articuler.

    Monsieur Flye le relâcha immédiatement et appuya sur l’interrupteur le plus proche.

     

    Un homme brun se massait le cou, son chapeau de shérif avait roulé jusqu’aux pieds du vampire.

    Génial, se dit le père de Dan, il ne manquait plus que ça…

    Lorsqu’il eut recouvré ses esprits, Tom saisit son arme de service et tira sans sommation sur son agresseur. La première balle prit Eric de court et se ficha dans son épaule, mais il évita les deux suivantes qui se perdirent dans le plafond.

    Finalement, le vampire utilisa sa vitesse surhumaine pour attraper le pistolet du shérif et s’en débarrasser.
    L’homme au sol lui offrit un regard haineux.

    - C’est vous qui l’avez tuée… souffla-t-il.

    Eric parut surpris. Puis il laissa son regard vagabonder sur les portraits affichés aux murs. Cet homme était en photo sur la plupart d’entre eux, avec Laura et Dan.

    - Non, répondit finalement le vampire. Je ne l’ai pas tuée. Je n’aurais jamais pu faire une telle chose.

     

    Mais Tom n’en démordait pas.

    - Vous pensez que je ne sais pas ce que vous êtes ? Qu’est-ce que vous avez fait de Dan ? Comment avez-vous pu rentrer ici ?

    Eric soupira, puis il tira une chaise de la cuisine et s’assit, faisant face à celui qui l’avait remplacé.

    - Dan est sur le canapé en train de se reposer, je pense que vous serez d’accord pour dire qu’il mérite un peu de répit… Quant à ma présence ici, j’ai pu rentrer sans être invité, car c’est également ma maison.

    Le shérif fronça les sourcils.

    - Quoi ?

    - Que vous a dit Laura exactement ?

    Tom fit rouler ses yeux pour cacher l’émotion qui le prenait à la pensée de la femme.
    - Je sais que vous êtes un vampire, si c’est ce que vous voulez dire. Et je sais ce qu’elle est…

    Il ne put finir sa phrase, et ne se permit pas de la reformuler au passé.

     

    Le vampire hocha la tête.

    - Mon nom est Eric Flye.

    La bouche de Tom s’ouvrit, bien malgré lui.

    - Les gens ne doivent pas savoir que je suis toujours en vie. Mais vous méritez la vérité. Si Laura vous a accordé sa confiance, alors cela vaut aussi pour moi.

    - Eric Flye est mort.

    Ca va être long, pensa le vampire dans un soupir.

    - C’est ce que nous avons dû faire croire aux gens pour protéger Dan.

    - Qui a fait ça ?

    Flye recula sur son siège.

    - Qui a fait quoi ?

    - Qui a fait ça à Laura ? A la meute ?

    Les propos de Tom étaient à peine cohérents, il passait d’un sujet à l’autre sans préambule, manifestement encore sous le choc.

    - Je ne sais pas, admit Eric.

    - Alors pourquoi êtes vous là ? Comme par hasard, vous ressurgissez le même soir que le massacre ? Je n’y crois pas une seconde !

    Le shérif venait de se relever, poussé par un élan de colère. Eric Flye se leva à son tour, il fit un pas en avant.

    - Je n’ai rien à vous prouver et je ne vous dois rien.

    - Vous lui devez à elle ! cracha Tom au visage de son interlocuteur.

    Il n’eut même pas le temps de réagir, le coup de poing le saisit dans la joue droite et l’envoya s’écraser une nouvelle fois sur le sol de la cuisine.

    - Maintenant sortez d’ici, intima Eric.

    - Je suis chez moi, contra avec hargne le shérif en frottant sa mâchoire.

    - Plus maintenant, annonça le vampire. Vous étiez peut-être le petit-ami de Laura. Mais Dan est mon fils, dit-il en désignant le garçon. Il n’y a plus rien qui vous retienne ici.

    Le regard de Tom passa de son adversaire au canapé où reposait l’adolescent. Peut-être ne partageaient-ils pas le même sang, mais Dan était comme un fils pour lui. Mais que pouvait-il contre le vampire ? S’il était réellement le père du garçon, Tom n’avait aucun droit de s’interposer.

    - Très bien, admit-il finalement. Si vous ne voulez pas trouver celui qui a fait ça, je m’en chargerai.

    Il se releva avant de continuer, levant un doigt menaçant devant le visage de l’Initié :

    - Mais si vous ne prenez pas soin de Dan, je reviendrais. Et ce jour là je ne serai pas armé d’un revolver, mais d’un pieu.

     

    Lorsque le shérif fut parti, Eric retira la balle logée dans son épaule. Puis il se saisit d’une photo où ils étaient tous les trois : Laura, Dan et Tom. Comment cet idiot osait-il lui parler ainsi ?

    Le vampire avait tout sacrifié pour le bien de sa famille. Il avait renoncé à passer sa vie auprès de sa femme, et accepté de ne jamais connaître son propre fils.

    Cet homme n’avait aucune leçon à lui faire.

    Quant à la recherche du coupable, Eric s’y attelait déjà.

    Le vampire sortit de sa poche ce qui ressemblait à une montre à gousset. Il allait ouvrir la boussole, mais Dan fit un mouvement dans son sommeil agité.

    Non, pas ce soir.

    Le responsable de ce carnage paierait.

    Tout comme Tom, Eric Flye avait perdu la femme de sa vie ce soir-là.

    Mais il lui restait son fils. Et c’était tout ce qui comptait désormais.

     

    ***

     

    Bien plus tard cette nuit-là, une troisième personne se présenta à la porte de la maison des Flye.

    Comme si la soirée n’avait pas été suffisamment riche en émotions. Mais contrairement à Claire qui s’était ouvertement invitée, puis à Tom qui avait littéralement fait comme chez lui – puisque tel était le cas – ce dernier eut la décence de frapper.

    Les sourcils du maire se levèrent de surprise lorsqu’il reconnut le vampire.

    - Bonsoir Eric.

    - Je pensais avoir plus de temps avant de te voir Yannick, répondit Flye.

    Il s’écarta et laissa entrer le sorcier.

     

    Walker marcha calmement vers le canapé, comme s’il avait deviné la présence de Dan et il passa le plat de sa main contre le front de l’étudiant.

    - Ainsi tu lui as fait boire ton sang…
    - Je n’avais pas le choix, répliqua Eric, acide. C’était ça ou la mort ! Et j’ai déjà perdu suffisamment.

    Le maire baissa la tête, contrit.

    - Je te présente mes condoléances.

    Le vampire serra la mâchoire.

     

    - Comment as-tu su que j’étais ici ? questionna finalement Eric.
    - Je l’ignorais, admit Yannick. J’étais venu voir Dan… Il n’était pas dans la crypte lorsque… Etrangement, ton fils a du retard quand à son patrimoine génétique lycant…

    - Plus maintenant, informa le vampire. Lorsque je l’ai retrouvé ce soir, il était transformé. Il se battait avec quatre vampires… Le dernier lui a tiré une balle en argent dans le thorax…

    - D’où ton action.

    - Mais pour qui te prends-tu ? s’emporta Flye. Oui « d’où mon action » ! Tu étais sensé protéger mon fils !

    - Tu ne devais jamais revenir à Crystal Village, contra le maire.

    - Tu était sensé protéger mon fils ! hurla de nouveau Eric. Et ma femme ! Et toute la meute ! C’est la seule raison pour laquelle j’ai accepté de quitter ce village ! Pour les préserver ! Et aujourd’hui Laura est morte ! Et Dan va devenir…

     

    Yannick déglutit. Il se rapprocha du vampire. Il voulait poser sa main sur l’épaule d’Eric. Il le désirait vraiment, afin d’atténuer ne serait-ce qu’un peu la peine qu’il pouvait ressentir. Mais il ne pouvait s’y résoudre, pas après ce qu’il s’était produit entre eux par le passé.
    - Rien ne nous dit que Dan deviendra « le bâtard » de la prophétie…

    Flye releva la tête, les yeux pleins d’espoir vers le sorcier.

    - Je prie pour que tu dises vrai, Yannick. Mais c’est pour ça que tout a commencé, pour faire revenir le Prince. Et il semblerait que quelqu’un ait repris le flambeau. Dan est désormais le seul loup-garou de Crystal Village. Et par ma faute, ce soir, il est peut-être devenu le chaînon manquant…

     

    Le maire se racla la gorge.

    - Quoi qu’il en soit, ta place n’est pas ici. Tu devrais partir. Je prendrais soin de…

    - Est-ce que tu te fous de ma gueule ? coupa le vampire. Tu étais sensé les protéger. Tu as échoué, Yannick. J’assume ma part de responsabilité dans cette affaire, mais je ne délèguerai plus à quiconque le sort de mon fils.

    - Eric, reprit Walker d’une voix calme, rien de bon ne peut découler de ta présence ici. Si le clan découvre ce que tu es, tu mettras Dan en danger.

    Flye marcha vers la porte et l’ouvrit pour indiquer à son visiteur qu’il était temps de partir.

    - Dan n’est plus ton problème, Yannick. La meute n’est plus ton problème, et je ne suis plus ton problème.

    Le maire resta immobile un instant. Pendant quelques secondes, il hésita. Si les deux titans s’affrontaient, rien ne pouvait prédire ce qui pourrait se produire. Finalement, il gagna la sortie.

    - Tu seras toujours « mon problème », Eric. Tu l’es depuis le jour où tu as tué mon frère, et où je t’ai laissé faire.

    La porte se referma d’elle-même derrière ses pas.


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